Rem Koolhass, dans New York Délire, définit la colonisation architecturale comme une « greffe d’une culture spécifique sur un site étranger ». Il donne comme exemples le London Bridge reconstruit à l’identique dans l’Arizona et les Roman Gardens de Murray à Manhattan. Il est difficile de ne pas associer ces définitions à l’existence des parcs de loisirs, ces monstres urbains qui naissent comme des champignons à partir de champs recouverts de pavés, de bitumes et de lacs artificiels. Les parcs Disney sont les exemples les plus probants de colonisation. Sur des terrains vagues, les six complexes Disney sont nés à partir de rien pour imposer la culture Disney dans des lieux où la culture leur semble antinomique. Les parcs Disney ont réussi à s’implanter près de Paris et de Shangai en proposant les mêmes attractions et les mêmes principes architecturaux issus de l’univers des dessins animés Disney. Comme le dit Rem Koolhass, il s’agit là d’une « reproduction parfaite et conventionnelle de souvenirs d’un voyage qui n’eut jamais lieu ». Les parcs Disney n’imitent rien qui existe ailleurs car il est question de transposition dans la réalité de produits culturels et cinématographiques. Que nous promet cette architecture du rêve ? Est-elle une promesse de réalité ou d’évasion ? Sommes-nous heureux de contempler l’inexistant ou la reproduction de la réalité ?
I – Le naturel et la promenade
Les parcs Disney sont d’abord des lieux de promenades visant à susciter une émotion chez le visiteur. Il est possible de s’éblouir sans monter sur aucune attraction. Les parcs Disney construit des villes et des jardins qui ne sont pas si détachés de la réalité. Comme Umberto Eco l’écrit dans La Guerre du faux, nous prenons plaisir à nous promener sur des rivières bordées d’automates qui fascinent par le hyperréalité, c’est-à-dire leur capacité à reproduire la réalité en la maîtrisant totalement.
Les jardins
Les jardins sont très nombreux dans les parcs Disney car ils favorisent l’errance, jouent avec la perception de l’espace et permettent une immersion dans un univers aux allures naturelles et pourtant à la conception bien artificielle. En effet, même les jardins sont thématiques et proposent une plongée dans des espaces recréant une atmosphère tirée des héritages culturels. Shangai Disney Resort qui ouvrira ses portes en juin 2016 en fera même une zone thématique à part entière en invitant ses visiteurs au cœur des: Gardens of Imagination (jardins de l’imagination). Les promeneurs pourront y découvrir une allée mettant en scène les signes du zodiaque chinois illustrés par les personnages des dessins animés Disney. A l’entrée de Disneyland Paris, les Fantasy Gardens accueillent les visiteurs et constituent la première attraction du parc. Nous pouvons nous éblouir devant les fontaines, la statue de Mickey, les kiosques bucoliques en suivant des chemins sinueux qui ralentissent l’accès aux parcs et dilatent ainsi le temps. Les parcs Disney en Asie semblent particulièrement attachés aux jardins car ils sont au cœur de l’art de vivre local. On peut se promener dans la Fairy Tale Forest et les Gardens of Wonder à Hong Kong Disneyland, pour ne citer qu’un exemple. Comme Robinson Crusoë, les parcs Disney invite à l’exploration de jungles artificielles dans la zone thématique Adventureland dupliquée dans quasiment tous les parcs Disney existants.
Places et rues : l’inspiration du passé
« Main Street n’est-elle pas parfaite ? » se demande Robert Venturi dans Complexity and Contradiction. L’architecte compte s’éloigner du modernisme pour faire l’apologie du réel et retrouver le rôle du symbole contre les mégastructures expressionnistes. L’architecture est conçue de telle manière qu’elle produit des places et des rues. Tous les parcs à thème ont un axe principal servant de repère. Même le petit parc Bagatelle dispose de sa large allée centrale. L’effet est démultiplié dans les parcs Disney qui font de l’architecture une attraction en soi. Dans les Main Street USA présentes dans la majorité des parcs Disney, point de montagnes russes, point de manèges. On traverse une rue imitant le centre d’une petite ville des Etats-Unis du début du XXè siècle simplement pour le plaisir des yeux tant s’y mélangent les couleurs des façades et la variété des toits cinlinés, des pignons et des fenêtres : « l’image de la rue commerçante, c’est le chaos écrivent Venturi, Scott Brown et Izenour dans L’Enseignement de Las Vegas. Ils écrivent encore : « Les qualités essentielles de l’architecture des zones de divertissement sont la légèreté, le charme d’apparaître comme des oasis dans un contexte éventuellement hostile, l’utilisation du symbolisme réhaussé et la capacité d’absorber le visiteur dans un rôle nouveau ». Les attractions et les boutiques des parcs Disney sont des hangars décorés : les façades richement décorées contrastent avec leur arrière conventionnel en béton visible depuis les vues satellites. Il s’agit d’un style « décréatif » (Richard Poirier dans T.S. Eliot) qui imite les styles en les parodiant à une échelle réduite comme des maisons de poupées. Cette architecture qualifiée de « laide et ordinaire » sans jugement de valeur par les auteurs de L’Enseignement de Las Vegas produit de la monumentalité et répond à un « besoin individuel d’intimité et de détail que le design moderne n’assouvit pas mais qui est satisfait par des reproductions de Disneyland à l’échelle cinq-huitième ».
Passage obligé des parcs Disney, Main Street USAnous immerge dans un passé idéalisé. Les rues se croisent en de vastes places, comme dans une ville. Main Street USA commence sa route par Town Square et se termine par la Central Plazza distribuant les accès aux différentes zones thématiques. Disneyland Paris a même l’audace de présenter à ses visiteurs une réplique d’une rue typiquement haussmanienne inspirée par le dessin animé Ratatouille. Nous sommes bien dans ce cas du syndrome d’hypérréalité décrit par Umberto Eco. Nous ne cherchons plus l’authenticité d’un patrimoine historique mais la reproduction ludique de ce qui existe réellement ailleurs dans le monde. « Les copies sont plus intéressantes que les originaux », écrivent les auteurs de L’Enseignement de Las Vegas.
Rivières tortueuses
Les parcs Disney se construisent au fil des plans d’eau propices à l’aventure. Les rivières qui sillonnent les parcs sont autant de prétextes à l’évasion et à l’aventure. L’attraction Pirates of the Caribbean, la promenade à bord d’un bateau à aubes du XIXè siècle et la Jungle Cruise sont dupliquées dans quatre parcs sur les six existant. Splash Mountain est présente dans trois parcs et It’s a small world dans cinq parcs sur six. L’évasion procurée par ces différentes attractions sous la forme d’une promenade est plurielle. Il s’agit dans les Jungles Cruises et Pirates of the Caribbean d’admirer des automates imitant la réalité. Umberto Eco précise que ces automates sont primoridaux pour vivre en aventure fictivement dangereuse en toute sécurité. Dans It’s a small world, le promeneur prend place à bord d’un bateau circulant au milieu de poupées articulées représentant les cultures du monde entier. A l’instar des grands aventuriers et des grandes explorateurs, le visiteur touche du doigt le cosmopolitisme. La promenade est alors synonyme d’ouverture d’esprit. Faire voyager sans se déplacer, voilà la clé de l’architecture Disney. Le béton vient à la rescousse pour faire de n’importe quelle structure un élément qui semble naturel et qui nous fait voyager. Nous n’aurions peut-être pas les mêmes émotions face aux montagnes de l’ouest américain car elles sont réelles. La construction du faux fait davantage rêver que la réalité. C’est sur ce paradoxe que les parcs Disney font reposer leur magie, sur une architecture d’imitation qui n’imite pas les lieux réels mais l’imaginaire que nous en avons.
II – La ville tour et la polarisation
Auguste Perret a créé le concept de ville-tour. Son travail est cité par Le Corbusier dans Vers une architecture. Il s’agit d’une ville idéale composée de tours éloignées de deux cents à trois cents mètres l’une de l’autre. Entre les tours se trouvent de vastes jardins que Le Corbusier veut semblables aux jardins de Louis XIV à Versailles.Les parcs à thème Disney se polarisent de la même façon : des monuments élevés sillonnent les parcs pour créer des points de repère aux pieds desquels se développent des places, rues et espaces de végétation.
Les monuments producteurs de pôles dans les parcs Disney sont sensiblement les mêmes à travers le monde. Le château de Cendrillon ou de la Belle au Bois Dormant se trouvent au centre des parcs et ouvrent sur la zone thématique réservée aux attractions inspirées des contes de fées Disney. La Cabane de la famille Robinson s’élève à Disneyland Paris, à Tokyo et Walt Disney World en Floride. Dans les parcs de Hong Kong et de Californie, il s’agit de la maison de Tarzan dans les arbres. Ces arbres factices et gigantesques symbolisent la zone thématique dédiée aux récits des aventuriers. La zone thématique vouée à la technologie est symbolisée par la structure imposante de l’attraction Space Mountain dans cinq parcs sur six. Enfin, la zone dédiée au Far West est symbolisée par une montagne digne de l’ouest américain dans les deux parcs aux Etats-Unis, à Disneyland Paris et à Tokyo. A Hong Kong, l’attraction Big Thunder Mountain qui habite cette montagne a un nom différent : Big Grizzly Mountain. Les parcs Disney respectent donc le principe de la ville-tours. N’oublions pas que Rem Koolhass, dans New York Délire, attire notre attention sur le fait que le parc d’attractions Dreamland à Coney Island à New York faisait reposer son paysage sur de centaines de tours qui donnaient au lieu son chaos si caractéristique.
Les parcs Disney fondent donc leur plan sur des pôles visant à attirer le regard et à produire des points de repères symboliques pour nous orienter à travers les différentes zones thématiques. Mieux encore, les parcs proposent un récit propre à chaque zone, ce qui en fait des microcosmes à part entière.
III – Le délabrement et l’aventure
Dans les parcs Disney, l’architecture n’offre pas que des hangars richement décorés. L’aventure prend aussi place dans des décors volontairemen délabrés qui immerge les visiteurs dans une prise de risque. Le design du délabrement procure un surplus d’adrénaline et augmente la volonté de prise de risque. Les visiteurs s’apprêtent à être les acteurs d’un voyage plein de dangers dont l’intensité est à la hauteur des ruines qui se donnent à voir. Les visiteurs, dans les files d’attente décorées, sont d’abord les témoins d’un cataclysme avant d’en être les héros. Dans l’attraction dédiée à Indiana Jones à Disneyland Paris et à Disneyland Resort, les visiteurs attendent leur tour au milieu d’un camp d’aventuriers qui semblent à l’abandon. Ils découvrent progressivement les dangers auxquels il se confrontent en serpentant au sein des ruines d’un temple et de rochers éclatées sur le sol.
L’attraction Hollywood Tower Hotel existant dans trois parcs Disney met elle aussi le délabrement à l’honneur. La file d’attente évolue au milieu du hall d’un hôtel désaffecté : on y trouve une décoration abondante, des valises oubliées et des dizaines de bibelots couverts de poussière comme si le temps s’était brutalement arrêté après une tragédie que les visiteurs sont invités à éprouver dans des ascenseurs en chute libre.
Quant à l’attraction très dupliquée Big Thunder Mountain, les visiteurs y prennent place à bord d’un train minier élancé à travers le décor d’une mine désaffectée touchée par une étrange malédiction : les propriétaires de la mine ont exploité une montagne protégée par le dieu du tonnerre qui produit des éboulements à chaque signe de violation par les êtres humains. Par la mise en scène des files d’attente, l’attraction devient récit. Jusque dans ses parcs, Disney veut raconter des histoires pour une immersion totale.
Le manoir hanté est présent dans cinq des six parcs Disney.. Alain Littaye et Didier Ghez citent Walt Disney dans leur ouvrage Disneyland Paris, de l’esquisse à la création: « Nous devons nous occuper de l’aspect extérieur du bâtiment. Les fantômes, eux, auront toute liberté pour s’occuper de l’intérieur ». Sa volonté a été satisfaite puisque la Haunted Mansion de Disneyland en Californie est une bâtisse robuste pleine de santé de style colonial dans la zone thématique New Orleans Square. Si Phantom Manor se trouve dans Fantasyland dans la plupart des parcs, il se trouve à Frontierland à Disneyland Paris, ce qui nécessitait une toute autre histoire et un tout autre aspect. Le manoir appartenait à la famille Ravenswood et a commencé sa longue ruine après le mariage macabre du propriétaire des lieux et de la mine Thunder Mesa. La communication étant plus laborieuse dans le parc européen du fait des nombreuses nationalités qui s’y cotoient qu’il a fallu faire de l’extérieur un symbole clair de mystère et de lugubre.Le Mystic Manor de Hong Kong est tout sauf un bâtiment en ruine. Il est plein de couleurs, de décorations et de coupoles bigarrées.
En somme, les parcs Disney propose une architecture exclusivement symbolique. L’architecture factice devient authentique par les récits qu’elle met en scène. Les parcs acquièrent une authenticité grâce à l’impression de naturel qu’ils construisent et à la technique du faux délabrement qui donne un cachet historique aux histoires inventées. Le voyage dans l’espace s’assimile à un voyage dans le temps. Il est à ce propos utile de rappeler que les villes construites par Disney, comme Val d’Europe à Marne-la-Vallée, s’approprient une architecture traditionnelle issue du modèle du Paris haussmanien et des théories du Nouvel Urbanisme. Ces espaces créés ex nihilo acquièrent une histoire à travers les interprétations et les imitations des architectures du passé.
L’utopie chez Jules Verne (partie 2)
L’ouest américain symbolise l’esprit de conquête du XIXè siècle. La ruée vers l’or et l’âge d’or du Far West font se toucher du doigt le rêve et la réalité. Il n’est pas étonnant que c’est dans ce cadre que Jules Verne ait décrit deux utopies assez méconnues dans le roman Les 500 Millions de la Begum. Les deux cités qu’il y décrit sont bâties par deux héritiers d’une fortune colossale : le docteur Sarrasin, français, et Herr Schultze, allemand. Les deux hommes construisent deux cités idéales antithétiques au bord du Pacifique, dans le cadre « grandiose et sauvage » de l’Oregon, jeune Etat américain.
France-Ville
Le docteur Sarrasin décide d’investir ses millions dans une cité idéale dont la particularité repose sur l’hygiène. Son nom est France-Ville. Le docteur compte bien y faire régner le mariage entre les connaissances scientifiques en matière d’hygiène et l’urbanisme. On y trouve de l’air et de la lumière, éléments indispensables à la vie. L’hygiène a comme but premier de renforcer la force de travail des habitants, aucune « existence oisive » n’y étant autorisée. L’objectif de cette ville est de se hisser en modèle de la « Cité du Bien-Être » pour toutes les autres agglomérations. Jules Verne en fait la description précise dans le chapitre 10 à travers un article fictif tiré d’une revue allemande intitulé « Unsere Centurie ». La forme de l’article rend vivante la description de « cette cité merveilleuse » et évite l’écueil du catalogue.
Un emplacement idéal
La première des trois caractéristiques essentielles de France-Ville est son emplacement. D’un côté, les montagnes rocheuses. De l’autre, l’océan Pacifique. L’article précise aussi que la ville est irriguée par une petite rivière « dont l’eau fraîche, douce, légère, oxygénée par des chutes répétées et par la rapidité de son cours, arrive parfaitement à la mer ». En plus du port et ses jetées, on apprend aussi que « parout l’eau coule à flot ». Les éléments sont donc représentés dans un parfait équilibre : l’air du vent est contrôlé par la présence de montagnes et l’eau coule paisiblement et permet le transport. Le feu vient quant à lui servir de technique d’épuration des hôpitaux, fréquemment brûlés et reconstruits pour être assainis. La ville est reliée au reste des Etats-Unis par un chemin de fer flambant neuf.
Les mesures d’hygiène
L’hygiène est primordiale dans le microcosme utopique de France-Ville. Les nids à poussière comme les tapis et les papiers peints sont exclus du cahier des charges des bâtiments officiels et des habitations. Les hôpitaux sont réservés à un petit nombre de cas urgents afin d’éviter la concentration des miasmes à un seul endroit. Un jardin à chaque carrefour vient apporter la fraîcheur nécessaire aux rues coupées en angles droits. Une brochure est confiée à chaque nouveau foyer pour expliciter les comportements exemplaires en matière d’hygiène. Les rues sont aussi nettes que « le carreau d’une cour hollandaise ». On comprend là que Jules Verne, dans cette projection de la cité idéale, se place aux antipodes de l’insalubrité parisienne que nous lirons chez Emile Zola. Le Corbusier écrit dans Vers une architecture que le but moderne de l’architecture est de revenir à la conception de maisons : Jules Verne en donne quelques pistes de réflexion.
La Cité de l’acier
La cité rivale de France-Ville est l’usine à canons de Herr Schultze, nommée Stahlstadt ou « Cité de l’acier ». Jules Verne précise qu’il s’agit d’une « Fausse suisse » car, si le paysage jouit des montagnes, il est cependant dénué de toute vie naturelle. La « Cité de l’Acier » s’inscrit dans un désert épuré de tout hasard. L’usine se compose de 18 villages d’ouvriers constitué de « maisons de bois uniformes et grises ». Au centre se trouve une « forêt de cheminées cylindriques » au-dessus de bâtiments troués de « fenêtres symétriques ». Plus qu’une « usine modèle » et rationalisée, la Cité de l’Acier est une « ville véritable », un « établissement monstre » « isolé du monde par un rempart de montagnes ». Des fossés et des fortifications viennent protéger le secret impénétrable de l’activité qui règne dans l’usine.
Si on tente de définir les différences entre France-Ville et la Cité de l’Acier, on notera d’abord le motif de la nature, présente et maîtrisée à France-Ville et totalement neutralisée dans la Cité de l’Acier. On trouvera ensuite l’hygiène qui est le maître-mot de France-Ville tandis que la Cité de l’Acier crache ses nuages imposants de fumée. Le point commun à ces deux microcosmes et leur création spontanée, sous la forme de villes champignons prenant place dans un environnement sauvage. Il est étonnant de voir que ces deux utopies ne se soucient pas d’améliorer l’existant mais de tout créer ex nihilo, reprenant l’histoire des villes pionnières des Etats-Unis comme New York que Rem Koolhass, dans New York Délire, nous décrit comme un espace rapidement rationalisé par des plans et ne laissant rien au hasard au moment de sa conception. L’utopie ne peut-elle pas renaître dans nos villes déjà existantes ? Nos villes sont-elles vouées à l’imperfection ? C’est une question aujourd’hui soulevée dans la conception du Grand Paris et qui méritera bientôt un article.
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