Les utopies et la ville dans les nouveaux programmes des collèges

Partie II – La ville totale

L’hybris de Babel

La ville, même si elle s’incarne dans des visions alarmistes, s’identifie toujours à un idéal. Le myhe de Babel est persistant : le culte de la hauteur a caractérisé l’architecture d’hier à aujourd’hui. Les édifices religieux tentent de s’élever jusqu’au ciel, jusqu’à parfois créer de véritables catastrophes comme l’écroulement de la cathédrale de Beauvais en 1284. L’artiste Wim Delvoye se réapproprie l’architecture gothique en produisant des sculptures qu sont de véritbles travaux de dentelle en acier et qui rappellent les gratte-ciels américains. François Boucq, dans son déssin « Intérieur de la Babel de Jérôme Moucherot » (2012), produit un entremêlement d’escaliers, de passerelles et de voûtes emblables à un tissu nerveux qui renferme l’espace sur lui-même dans une construction autonome. Ce dédale autonome est l’aboutissement de l’imaginaire qui plane sur l’architecture gothique de la hauteur. Malgré les attentats du 11 septembre 2001, la tour fait toujours rêver : la tour Burj Khalifa de Dubaï s’élève à 828 mètres !

Le culte de la hauteur n’est pas dissociable du culte du mouvement qui prend son apogée dans les années 1910 à 1930, époque à laquelle se développent les moyens de transports : voitures, métros, avions et ascenseurs. Les passerelles et les lignes droites succèdent aux places et aux rues. Le film « Metropolis » de Fritz Lang et les dessins de Arturo Esevi ou de Wiley Corbett proposent des solutions aux problèmes posés par les transports. Dans la proposition de ville futuriste de Wiley Corbett, la ville est subdivisée en étages qui sont chacun voués à un mode de transport particulier : les voies ferrées en sous-sol, les voitures à la surface, les piétons sur des passerelles en hauteur. On ne peut que penser à l’architecture de dalles qui donnera lieu à la Défense.

L’humilité

Face à l’hybris de la course à la hauteur, des artistes représentent un ciel inatteignable dans une optique d’humilité. L’artiste chinois Yang Yongliang, dans son œuvre « Heavenly City » (2008)propose une vision apocalyptique de la ville. Les périphériques routiers se déploient en volutes dans une atmosphère nuageuse et polluée. Le ciel s’avère peu clément. La stratosphère représentée rappelle le chamignon de fumée d’une bombe nucléaire. Et pourtant, ce mode de survie persiste comme le montrent les grues qui cotninuent de faire s’élever la ville dans les airs.

Le réchauffement de la planète donne lieu à une nouvelle sorte d’utopies : la ville fertile, pour reprendre le titre d’une exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine. Les bâtiments se couvrent de feuillages, la nature reprend ses droits sous la forme de forêts, friches et rivages urbains. Pour plus d’information, nous vous recommandons la lecture d’un article de ce même blog sur le sujet.

La ville est toujours artistiquement traitée comme un laboratoire du monde : il s’agit d’un phénomène graphique, d’un défi lancé à la représentation pour que nos sens s’y heurtent et s’y égarent ».. Georges Steiner y voit un moyen de « rejeter la logique du désespoir ». D’un autre côté, la ville est aussi perçue comme un lieu d’inégalités sociales représentées par des castes géographiquement marquées. Le culte du mouvement et des lignes verticales, spiraliques et horizontales porte en lui le risque de la déshumanisation et de la scientifisation des individus dénoncés par Huxley. Ajouter de la vie à la ville sera l’enjeu des mégalopoles, comme le démontre le lancement de plus de deux dizaines de projets lancées récemment avec le concours de la mairie de Paris et qui ont comme objectif de ne jamais dissocier culture, logement, commerce et action sociale. Ces projets ideaux devront éviter l’écueil de construire des quartiers idéaux comme l’avait voulu Le Corbusier et qui ont tristement mal vieilli.

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Classé dans Architectures du rêve

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